La corderie

A l’origine était la puissance de l’eau et l’énorme roue à aubes qui
actionnaient un enchevêtrement d’engrenages, de poulies, de courroies, d’axes de transmission, de boules à graisse de verre, de régulateurs à boules.

Cotoclop, cotoclop, cotoclop
ça pelotonne.

Tchou kou, tchou kou, tchou kou
ça toronne.

Et là, sous le banc à commettre
(commettre quoi d’ailleurs?),
la silhouette d’une clé démesurée au bout de laquelle… ? Je vois Charlie Chaplin qui devient frénétique et vas-y que j’te visse,
que j’te visse, visse… jusqu’aux boutons de salopette.

Lacadac, top top
Lacadac, top top

«ça, M’sieur, c’est la retordeuse à ailettes ».

A ce que disaient les sœurs Cordier, arrivées à 12 ans dans cette corderie : « on n’était pas malheureuse, mais l’bruit, M’sieur, on en devenait sourdes ».

« Mon grand-père était très humain. Il offrait aux ouvrières qui se mariaient un magnifique trousseau. »

13 heures de travail par jour, 20 minutes pour manger, elles n’étaient pas exploitées, non !

Pour s’échapper, pour fumer, elles se cachaient dans les waters. Elles aimaient ça. Elles rigolaient. Mais parfois elles pleuraient aussi, horrifiées par la vue d’un gamin hurlant, trois doigts coupés.

Vingt ans plus tard, elles sont là, pleines de fierté, permanentées, « escarpinées » pour témoigner de leur travail d’ouvrières.


“La corderie”, Monique L, Ecrire à Rouen et dans les boucles de la Seine (octobre 2021)

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